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Croix de Lorraine – suite 2

3. DE LA CROIX D’ANJOU À LA CROIX DE LORRAINE.

3.1. EN ANJOU.

Les d’Alluye furent les premiers seigneurs de Chasteaux, en Anjou (Château-la-Vallière) et de Saint-Christophe, en Touraine (Saint-Christophe-sur-le-Nais). Leur présence dans la région est attestée de 978 à environ 1250, mais leur histoire est mal connue, sauf celle de Jean II d’Alluye qui nous a laissées de nombreuses chartes. Jean II dut régner de 1200 à 1248. Fait chevalier banneret par Philippe Auguste, il participa à ses côtés à la bataille de Bouvines en 1214. Comme ses aïeux du X° siècle, il s’en alla guerroyer en Terre Sainte. Il semblerait qu’il s’y trouvait vers 1240. Or, la Sixième Croisade s’était terminée en 1929 et la Septième, conduite par Saint Louis, ne partit qu’en 1248. On suppose donc que Jean II accompagne en 1239 Thibault IV de Champagne, dit le Chansonnier dans la triste équipée de la croisade dite des Poètes. Ce qui est sûr c’est qu’il reparaît en Crète en août 1241 pour recevoir d’un évêque nommé Thomas un cadeau inestimable: un morceau de la Vraie Croix en forme de croix à double traverse. Haute d’environ 27 centimètres, elle aurait été taillée dans le bois sacré de la Sainte Croix (c’est celle qui est sous le titre). Cette apparition en Crète n’a rien de surprenant. La croisade des Poètes terminée, les Français rembarquèrent à Saint-Jean-d’Acre le 24 septembre 1240 sur des navires de Vénitiens, transporteurs habituels des croisés, qui firent escale en Crète située dans leur zone d’influence.

Revenu en Anjou, Jean II d’Alluye va vendre sa relique aux moines cisterciens de l’abbaye de la Boissière (commune de Dénézé sous le Lude) . Robert, l’abbé de la Boissière, remit donc à l’ancien croisé l’équivalent de (4,20 x 20 x 550) 46,200 kg d’argent pur ! Mais l’abbaye fondée en 1131 était prospère et pouvait se permettre cette folie. Et par la suite, les aumônes des fidèles venant adorer la croix assurèrent aux moines de gros revenus. Les historiens ont stigmatisé la conduite de Jean II :  » Le seigneur d’Alluye se fut grandi à nos yeux s’il n’eut pas monnayé ainsi son trésor « . Les expéditions en Terre sainte avec une nombreuse escorte ruinaient les seigneurs. Pour partir, Jean II avait emprunté 150 livres tournois remboursables dans les 10 ans. A son retour, il vendit plusieurs droits pour renflouer sa trésorerie. C’est donc par nécessité qu’il vendit la croix. Avec une compensation: la proximité de la Boissière où il pouvait se rendre facilement pour aller prier. D’ailleurs, aux moines, il octroya une rente pour l’entretien d’un luminaire devant la relique et, plus tard, un legs de 300 livres qui leur fut payé par ses héritiers, longtemps après sa mort en 1267. Il a été inhumé dans un superbe tombeau de granit, orné de ses armoiries et d’une représentation de la Sainte Croix à double traverse. Son tombeau a été acheté par un musée américain, le Cloister Museum, à proximité de New-York.

La Guerre de Cent Ans arriva. Prudents, en mars 1379 (ou le 2 juillet 1359, selon F. Uzureau ) les moines de la Boissière mirent la relique en sûreté dans le château du Duc d’Anjou, Louis Ier à Angers. Le Duc, adorateur de la relique, érigea en son honneur une confrérie :  » l’Ordre de la Croix  » et fit broder une croix à double traverse sur les tapisseries de l’Apocalypse exécutées par Nicolas Bataille. C’est à cette époque vers 1364 que la Croix fut somptueusement décorée par les orfèvres du roi Charles V.

Tapisserie de Nicolas Bataille

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