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Verdun

Aujourd’hui 21 février 2016 on commémore le centième anniversaire du début de la bataille de Verdun, je profite de cette occasion pour faire partager quelques textes.

Pour être allé plusieurs fois sur le site de Verdun, pour l’avoir traversé de jour comme de nuit et même avoir dormi dehors dans le secteur des Eparges (Mouilly, tranchée de Calonne) ou du côté de la côte 304 et du Mort-Homme, je crois que c’est le seul endroit où je crois aux fantômes!

Voici quelques textes qui me semblent intéressants.

Anna de Noailles (La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née Bibesco Bassaraba de Brancovan, est une poète et une romancière française, d’origine roumaine, née à Paris le et morte à Paris le .)

« A force d’engloutir, la terre s’est faite homme.

Passant, sois de récits et de gestes économe,

Contemple, adore, prie et tais ce que tu sens. »


Henry de Montherlant (plus connu comme Montherlant, né le à Paris, mort à Paris le , est un romancier, essayiste, dramaturge et académicien français).

« Je marchais sur cette terre humaine comme sur le visage même de la Patrie ».


Paul Valéry (écrivain, poète et philosophe français, né à Sète (Hérault) le 30 octobre 1871 et mort à Paris le 20 juillet 1945.

« Verdun, c’est une guerre toute entière, insérée dans la grande guerre… Ce fut aussi une manière de duel devant l’univers, une lutte singulière, et presque symbolique en champ clos. »

« Tous vinrent à VERDUN pour y recevoir je ne sais quelle suprême consécration, ils semblaient par la Voie Sacrée monter pour un offertoire sans exemple, à l’autel le plus redoutable que jamais l’homme ait élevé. »


Voici deux extraits du livre « Le feu » d’Henri Barbusse qui ne se rapportent pas à Verdun

Le premier passage parle du soldat qui va s’offrir en sacrifice en pleine conscience mais non sans peur. En même temps il pense que celui qui ne l’a pas vécu ne pourra le comprendre: « leur sacrifice a plus de valeur que ceux qui ne les ont pas vus ne seront jamais capables de le comprendre« .

Le second texte c’est des dialogues de soldats dans les tranchées. Ils parlent de l’oubli (« Les hommes, c’est des choses qui pensent un peu, et qui, surtout, oublient. »), cette déchéance supplémentaire qui les attend, avoir vécu ce qu’ils ont vécu et être oublié. Il y a quelques jours un homme politique sur le retour (non pas lui un autre …) proposait la suppression du 8 mai . Certes il y a beaucoup de jours fériés en France mais guère plus qu’ailleurs; Il y a même un jour férié (Lundi de Pentecôte) dont on ne sait plus s’il est férié ou pas, bravo nos politiciens. Fin de la parenthèse …

Henri Barbusse (né à Asnières-sur-Seine le et mort à Moscou le , est un écrivain français.

« Chacun sait qu’il va apporter sa tête, sa poitrine, son ventre, son corps tout entier, tout nu, aux fusils braqués d’avance, aux obus, aux grenades accumulées et prêtes, et surtout à la méthodique et presque infaillible mitrailleuse – à tout ce qui attend et se tait effroyablement là-bas – avant de trouver les autres soldats qu’il faudra tuer. Ils ne sont pas insouciants de leur vie comme des bandits, aveugles de colère comme des sauvages. Malgré la propagande dont on les travaille, ils ne sont pas excités. Ils sont au-dessus de tout emportement instinctif. Ils ne sont pas ivres, ni matériellement, ni moralement. C’est en pleine conscience, comme en pleine force et en pleine santé, qu’ils se massent là, pour se jeter une fois de plus dans cette espèce de rôle de fou imposé à tout homme par la folie, du genre humain. On voit ce qu’il y a de songe et de peur, et d’adieu dans leur silence, leur immobilité, dans le masque de calme qui leur étreint surhumainement le visage. Ce ne sont pas le genre de héros qu’on croit, mais leur sacrifice a plus de valeur que ceux qui ne les ont pas vus ne seront jamais capables de le comprendre. »

« – C’est vrai, c’ qu’i’ dit, fit un homme sans remuer la tête dans sa gangue. Quand j’ sui’ été en permission, j’ai vu qu’ j’avais oublié bien des choses de ma vie d’avant. Y a des lettres de moi que j’ai relues comme si c’était un livre que j’ouvrais. Et pourtant, malgré ça, j’ai oublié aussi ma souffrance de la guerre. On est des machines à oublier. Les hommes, c’est des choses qui pensent un peu, et qui, surtout, oublient. Voilà ce qu’on est.

Ni les autres, ni nous, alors ! Tant de malheur est perdu !

Cette perspective vint s’ajouter à la déchéance de ces créatures comme la nouvelle d’un désastre plus grand, les abaisser encore sur leur grève de déluge.

– Ah ! si on se rappelait ! s’écria l’un.

– Si on s’ rappelait, dit l’autre, y aurait plus d’ guerre !

Un troisième ajouta magnifiquement :

– Oui, si on s’ rappelait, la guerre serait moins inutile qu’elle ne l’est.

Mais tout d’un coup, un des survivants couchés se dressa à genoux, secoua ses bras boueux et d’où tombait la boue et, noir comme une grande chauve-souris engluée, il cria sourdement :

– Il ne faut plus qu’il y ait de guerre après celle-là ! »


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Verdun (suite)

Mon grand-père Albin Revel a participé à la bataille de Verdun du 8 mars au 2 avril 1916. Il était artilleur à la 9ème batterie du 36ème régiment d’artillerie. Le régiment occupait des positions au « Bois Bourru » au Nord-Ouest de Verdun. Pour plus de détail allez ici.

Dans ses lettres il témoigne peu de ces conditions de vie en raison de la censure.

Dans une lettre du 11 mars il écrit à celle qui deviendra sa femme: « Qu’est-ce que tu veux, c’est la guerre et pour tout de bon à présent, ma toile de campement en sait quelque chose et moi aussi qui était à côté.« 

19160311 bois bourru extrait

Le 12 mars il écrit: « Ne te fais pas de bile pour moi ça se calmera sûrement bientôt par ici car on ne peut pas continuer de ce train de part et d’autre. Il y a à peine une demie-heure qu’une de nos pièces vient d’abattre un avion boche. Le spectacle était  épatant et tout le monde était heureux de voir descendre ce monstre si rapidement. » Pour lui ça ne va pas durer à ce rythme …

19160312 bois bourru extrait

Le 15 mars il écrit: « Hier nous avons été changer les batteries (NDLR: changer de place) les positions étaient intenables… Ces cochons de boches nous ont également envoyé hier des obus lacrymogènes; ce n’est rien de bien bon, heureusement j’avais mon masque contre les gaz sans cela j’étais réglé. Je garde le ferme espoir de revenir sain et sauf au pays natal malgré tous les sales procédés qu’emploient ces bandits pour nous détruire. Je suis toujours en très bonne santé malgré tout ce fourbi et malgré aussi que je n’aie pu dormir plus de 3 heures depuis 8 jours. Toute la nuit nous rodons comme les chats. Ça finira peut-être bientôt. » Il devait décéder de la tuberculose en 1932 à l’âge de 38 ans: usé par ces années de guerre, et un état aggravé par des poumons brulés par les gaz.

 19160315 bois bourru extraitVoici 2 extraits du JMO (journal de marche et opérations) du 36°RA:

JMO 36RA 11 au 13 mars 16JMO 36RA 13 et 14 mars 16Et une carte des positions le 11 mars:

Verdun position 36RA 11-14 mars 16

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La guerre de 14 d’Emile Castanié

En cette année de commémoration du Centenaire de la Guerre de 1914, j’ai choisi de relater l’histoire de mon grand-père paternel Émile Castanié qui a été grièvement blessé et fait prisonnier dès les premiers jours de guerre.

Émile est mort en 1980 alors que j’avais 26 ans, mon immense regret bien que j’ai été très proche de lui, est de ne pas avoir parlé avec lui de ces moments pour connaître ses sentiments quand il monte dans le train pour le front, ses premiers jours de guerre, sa captivité et sa vie de son retour d’Allemagne à la fin de la Guerre.

Les seuls éléments dont je dispose sont quelques lettres dont une (retrouvée dans les années 2000) qui relate le début de la guerre. Écrite en 1915 elle raconte par le détail ce qui lui est arrivé et qu’il n’oubliera jamais. Bien qu’écrite un an après les faits elle est d’une extraordinaire précision sur les lieux, les dates, les événements.

Dans le texte qui suit il y a trois ingrédients : tout d’abord la lettre d’Émile (en italique dans le texte) c’est la description de ce qu’il a vécu et qu’il narre en 1915 à son père, ensuite pour argumenter le récit c’est la documentation que j’ai rassemblée sur les personnes et les événements (noms de personnes, parcours des régiments, météo, …), enfin pour agrémenter le récit je me glisserai dans la peau d’Émile, le texte sera bien sûr uniquement le fruit de mon imagination nourrie de toutes mes lectures sur cette époque. Je publierai jour par jour cent ans plus tard ces premiers jours de guerre. Les extraits de la lettre écrite par Émile seront en italique.


Emile-Castanie-conscrit-gro


Le Jardin du blessé Lyon le 23 octobre 1915

Cher Papa

J‘ai reçu ta lettre ces jours-ci qui m’a fait bien plaisir de vous savoir tous en bonne santé, pour moi il en est de même je suis en possession de mon appareil depuis quelques jours et il me va bien, hier j’ai passé ma dernière visite de réforme à la Faculté de Médecine tout est terminé maintenant et je crois que l’on ne me gardera pas longtemps ici.

Tu me demandes si j’ai répondu à le lettre de la personne que tu m’avais envoyé, je l’ai fait sitôt que la lettre m’est parvenue d’ailleurs je reçois presque tous les jours des demandes de renseignements et j’y réponds immédiatement. Tu me dis que je ne t’ai jamais parlé de ce qui m’est arrivé depuis mon départ de Mers-les-Bains, je me réservais pour te le raconter de vive voix lorsque je serais à Lamalou, car ce sont là des souvenirs inoubliables que je me rappellerai toujours, mais puisque tu y tiens je vais te le raconter.

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Guerre 14-18, publication d’un livre

Je viens d’acheter un livre que je recommande car il est à la fois très bien écrit et rempli de détails qui proviennent de témoignages d’époque recueillis par l’auteur.

« La guerre à coup d’hommes » par Patrick-Charles Renaud aux éditions Grancher.

NB: je n’ai aucun intérêt dans la publication!!! Il y a juste le témoignage de mon grand-père qui est repris dans ce livre.