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11 août 1914

Le 11 août 1914 :

Au matin les allemands contre-attaquent et reprennent Lagarde.

Voilà mes premiers combats, nous subissons un déluge de tir d’artillerie, mon sac s’en souvient il a été touché par un éclat d’obus, n’étant plus de faction nous rejoignons à toute vitesse le reste du bataillon qui se trouve à Coincourt à 7 km d’ici. Nous sommes épuisés par la course chargé comme des mulets, la soif, la chaleur d’une chaude journée d’août.


mais pas plus tôt installé, les obus nous pleuvent dessus nous avons été repérés l’infanterie nous charge par devant et l’artillerie nous arrose de projectiles par derrière, nous tenons bien un moment mais n’ayant pas d’artillerie Française avec nous, nous sommes obligés de reculer devant la force supérieure de l’ennemi. Durant cette retraite j’ai failli y rester un morceau d’arbre arraché par un obus est venu me taper derrière le sac et m’a projeté plusieurs mètres en avant je me relève avec quelques égratignures aux mains, mais sans aucun mal, nous continuons à battre en retraite car nous sommes poursuivis par les boches, je suis toujours en compagnie de mon ami Viala, mais harassé par la fatigue nous devons lâcher notre sac1 mais c’est avec beaucoup de peine pour moi car il contenait mon linge du chocolat qu’Adrienne2 m’avait donné et quelques boîtes de conserves, mais je suis obligé de l’abandonner, car ça pèse trop et je ne pouvais pas aller plus loin ça me fait de la peine de voir que les boches vont s’envoyer ça à ma santé, nous continuons à battre en retraite sur le village de Coincourt mais dans quel ordre beaucoup ne peuvent plus suivre moi même suis obligé de m’arrêter car à force de courir j’ai des points de côté et en plus de ça une soif terrible, nous sommes obligés de boire de l’eau de boue qui se trouve dans un fossé au milieu d’une prairie, au bout d’un moment nous arrivons enfin au village de Coincourt les blessés arrivent peu après et sont soignés dans les maisons quant à nous les valides nous avons l’ordre de reculer encore pour aller nous reposer pas pour longtemps


Cette sanglante journée a coûté au 3ème Bataillon une quinzaine d’officiers et 969 hommes tués, blessés ou prisonniers.

Le Chef de Bataillon Cornillat, atteint de plusieurs blessures, se fait étendre face à l’ennemi, en disant aux hommes qui voulaient l’emporter : « Laissez-moi, continuez à faire votre devoir, quant à moi, je n’ai plus qu’à mourir pour la France ! » Le Sous-Lieutenant Durand de Fontmagne3 n’hésite pas à faire cesser le feu de ses hommes, à sortir du fossé qui leur sert d’abri, pour se rendre compte de la situation, leur montrer que les Allemands tirent trop haut et qu’on peut encore tenir. Presque entouré par l’ennemi, il réussit à ramener dans les lignes françaises tout son détachement, y compris des blessés.4

lagarde récent
Carte actuelle de la région de Lagarde

 

A 14H00 le 1er et 2ème bataillon (les seuls qui restent après l’extermination du 3ème bataillon à Lagarde) reçoivent l’ordre de faire mouvement vers la ferme de la Fourasse à 7 km à l’ouest puis reçoivent l’ordre de tenir la position.

Ferme-La-Fourasse
Ferme La Fourasse aujourd’hui

 

Ne vous imaginez pas que nous étions seuls à la ferme de la Fourasse. Non ! Il y en avait du monde autour de nous, il y avait les 2 bataillons restants du 58 soit un peu moins de 2000 hommes avec les pertes, le 14 août l’artillerie divisionnaire et l’état-major du XV° Corps d’armée y passeront quelques heures. Le 3ème RI (qui appartient à une autre division, la 29éme) a 2 bataillons installés à la ferme Saint Pancrace distante seulement de 800 m.

Le terrain aussi est bouleversé, des tranchées ont été creusées, les allemands sont a seulement 6 km d’ici à Moncourt.

Les routes aussi sont encombrées par les chariots des trains de combat (TC), par les convois d’artillerie, les convois de blessés.

Tout cela en quelques jours. Quel chaos !!!

Nourrir (enfin c’est un grand mot, ils sont bien loin le poulet et la bouteille de vin vieux de M. Raynaud!!!) ces milliers d’hommes n’est pas une mince affaire. Il faut aussi recompléter les munitions. Et marcher, encore et encore avec mon « ami » le sac qui me brise le dos. Marcher malgré la fatigue, malgré le temps de ce pays lorrain si loin de chez nous qui alterne canicule et nuit glaciale parfois agrémentée de pluie. Il faut aussi continuer à se battre contre ce maudit boche et ce malgré les copains (et aussi pour eux, pour leur mémoire) qui ne sont plus là. Tel est notre lot en ces premiers jours de guerre.

1Beaucoup de soldats feront de même au début de la campagne, nous sommes en août, il fait chaud et ils portent tout le barda,la guerre doit être courte!! Certains auront à le regretter dès les premiers jours d’automne. Mais est-ce le havresac réglementaire ou un autre sac dans lequel il avait mis des vivres personnels ? Les pertes d’équipements étaient sévèrement sanctionnées.

2 Sa sœur, qu’il a eu le temps de voir avant de partir.

3 Ce jeune officier né à Castries (Hérault) le 06/07/1890 a été blessé mortellement le 19 Août 1914.

4 Extrait de l’historique du 58ème RI.

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